SEDIMENTATIONS

Une visibilité n’est pas une présence.

Nous passons tous les jours devant ces affiches qui ornent les murs de la ville. A force de les voir nous ne les regardons plus, à force de les reconnaître nous ne les interprétons plus. Elles sont pourtant des miroirs en permanence tournés vers nous, reflétant nos goûts, nos désirs et nos aspirations. Depuis des siècles, elles sont un media véhiculant information, appel à l’ordre, à la révolte, mais plus surement encore nos idéaux, projetant sous nos yeux les portraits de ceux qu’une époque choisit pour la représenter. En un sens, elles nous montrent ainsi ceux que nous ne serons jamais, que nous aurons toujours aspirer à devenir.

Mais les affiches meurent aussi, souffrant du climat, des gestes des passants, ou tout simplement du passage du temps. A moitié déchirées, elles laissent entrevoir en se sédimentant la strate inférieure d’un mur ou d’un support, qui le plus souvent n’est qu’une autre affiche, un rêve second ayant tout simplement succédé à un rêve premier effacé, oublié déjà, et qui pourtant surgit de nouveau dans cet espace ainsi offert. Interroger l’affiche par la photographie, c’est ainsi contempler directement cette sédimentation, les déchirures du temps superposant sur un même plan les mois et les années écoulées.