ZONES D'EXCEPTION
Dans les Principes de la nature et de la grâce fondés en raison, Leibniz pose dès 1720 la question suivante : pourquoi-y-a-t’il quelque chose et pas rien ? Cette interrogation mène Leibniz à l’existence de Dieu, vu comme l’entité nécessaire en bout de toute chaîne causale. Après les tragédies nucléaires qui se sont succédées depuis le milieu du 20ème siècle, nous sommes amenés à penser que désormais il faudrait plutôt se demander pourquoi il devrait y avoir quelque chose et pas rien, ou alors une fois que le cataclysme se produit, quel est le monde d’après. Prenant le parti d’arpenter les lieux de la mémoire des tragédies nucléaires, le photographe Quentin Gassiat s’est rendu successivement à Tchernobyl, Hiroshima, Nagasaki et Namie (Fukushima). Quatre villes frappées de toute violence, et dans chacune desquelles l’artiste cherche à comprendre comment la vie urbaine a pu reprendre son cours. Le projet mené par Quentin Gassiat demeure ouvert, au sens où il ne prétend pas apporter de conclusions définitives mais plutôt susciter une interrogation sur l’urbanité post-nucléaire et les zones d’exception. Sa démarche se poursuivra par des visites d’autres lieux de mémoire (Trinity au Nouveau Mexique, Kychtym en Russie, Bikini dans le Pacifique pour citer quelques noms).
Antoine Chouillou